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 Le Maroc, cinquante ans d’indépendance

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zico

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Le Maroc, cinquante ans d’indépendance Empty
MessageSujet: Le Maroc, cinquante ans d’indépendance   Le Maroc, cinquante ans d’indépendance EmptyDim 21 Oct 2007, 22:56

Célébrer les anniversaires, sorte de retrait constant vers l’histoire, proche ou lointaine, n’est probablement pas de bon augure. Serait-ce la marque des peuples en régression, pour ne pas dire en échec ? Voilà que le Maroc se laisse discrètement aller à cette nostalgie. Pourquoi ?

Il n’est toujours pas possible, après un demi-siècle, d’écrire une histoire du Maroc « libre ». Ce sont les historiens marocains qui le disent, dans les rapports publiés par la « Commission scientifique du Cinquantenaire ». Le rappel des espoirs nourris par la population marocaine avant 1955, qui comptait à peine neuf millions d’habitants, ainsi que les objectifs assignés à l’indépendance par le mouvement national montrent qu’on est loin, aujourd’hui, des succès qui devaient caractériser le « jihad majeur » de la liberté retrouvée, une fois réussi le « jihad mineur » de la fin de l’ère coloniale. Jihad = guerre sainte, vous avez bien lu. Car l’indépendance et la liberté ne s’obtiennent, messieurs les laquais du néo-colonialisme, que par la lutte et le renversement des rapports de force. Il serait bon que l’on s’en souvienne dans quelques parties des continents qui jouissent - c’est bien ça, jouir - d’une liberté octroyée toujours contrôlée par les « puissances tutélaires ».

À l’époque, la jeune idéologue qu’était Cassandre s’était bruyamment manifestée, jusque dans le mellah de Sefrou ou dans celui de Safi (un mellah, au Maroc, c’était un quartier « réservé » aux juifs que nous autres, Européens libéraux, appelons, depuis Venise, un ghetto). Elle se félicitait des intentions manifestées par le sultan Mohamed V (nouveau nom de Sidi Mohamed ben Youssef après l’indépendance) qui garantissait que le rétablissement de l’empire chérifien lui permettrait « d’assurer le bonheur de tous ses sujets, sans distinction de race ou de religion ». Cassandre a passé son enfance et une partie de son adolescence à Rabat, au temps du Protectorat, jusqu’en septembre 1952 où elle « monta » à Paris préparer à la fois Sciences Po et la géographie en Sorbonne. Elle campait sur la plage de Skhirat lorsque le sultan Sidi Mohamed ben Youssef fut brutalement déporté et exilé à Madagascar, en août 1953. À 20 ans, on ose des jugements sévères. Elle clama dans les rues que le Résident général français était un vieux con doublé d’une brute galonnée. Son milieu ne lui pardonna pas d’être devenue, si jeune, à la fois une nationaliste marocaine et une anticolonialiste française. La moitié de ses copains de terminale et de propédeutique - l’autre moitié était constituée de Marocains - l’ignora désormais, tout comme devint étranger aux siens son meilleur ami, Paul Pascon, qui devait devenir un sociologue marocain brillant, adversaire du nouveau régime à partir des années 1960. Il mourut en mission en Mauritanie le 22 avril 1985 dans un accident de voiture suspect, pour le moins. Salut, Paul.

Le roi Hassan II, une fois son père mort, conçut en 1962 une constitution qui devait faire du Maroc une « monarchie constitutionnelle, démocratique et sociale ». Sic ! Cassandre n’aimait pas l’homme et n’aime toujours pas son souvenir. Ce jeune roi, à l’époque (1961-1999, dates de règne) avait même fait lever les enthousiasmes, au quarantième jour du décès de son père, jour sacré : « devant le peuple, je promets de lutter avec le peuple, ainsi que tu l’as fait, pour le bien du peuple, puisant ma force dans le peuple et mettant le Trône au service du peuple, afin que nous puissions construire la société musulmane heureuse que tu voulais, et afin que notre peuple connaisse le progrès et le développement, toujours attaché à sa religion et aux valeurs suprêmes ». Cassandre avait grogné à l’évocation de la religion et des valeurs suprêmes. Elle aurait dû mieux comprendre le vrai sens du discours. Hassan II disait clairement, ce que son long règne a montré, qu’il était décidé, en fait, à mettre à la puissance six le peuple au service du Trône.

Un peu d’histoire ne peut pas faire de mal aux géographes. Le Protectorat se fondait sur le traité de Fès du 30 mars 1912, qui n’avait pas aboli la convention de Madrid de 1880, laquelle reconnaissait le principe de « l’allégeance perpétuelle des sujets du Sultan », repris tel quel dans le code de la nationalité marocaine de 1958 ! Les Français furent, il faut le rappeler, de vrais colonisateurs ! L’article premier du traité de Fès stipulait que « le gouvernement de la République française et Sa Majesté le Sultan sont d’accord pour instituer au Maroc un nouveau régime comportant des réformes administratives, judiciaires, scolaires, économiques, financières et militaires que le gouvernement français jugera utile d’introduire sur le territoire marocain ». Ah ! Que ces choses sont bien dites !

Il en résulta de graves dysfonctionnements dans la société marocaine, déjà largement déstructurée (comme disait un cynique, les peuples colonisés l’ont été parce qu’ils étaient colonisables). Mais, Cassandre le souligne parce qu’il n’est pas à la mode de le dire, « l’évolution du Protectorat n’en a pas moins porté le sceau de la modernité. De nombreuses réalisations ont fait franchir au pays des sauts qualitatifs importants qui figurent à son actif ». Ce jugement d’historiens marocains progressistes est bien loin des « théories » excessives des idéologues comme Samir Amin, Castro et quelques autres. Il est certain qu’à la veille de l’indépendance, les Européens (7 % de la population) accaparaient 30 % du revenu global du Maroc. Mais dans quel pays démocratique aujourd’hui les minorités privilégiées n’accaparent-elles pas au moins la même proportion du revenu national ? La « démocratie », de nos jours, serait-elle devenue une sorte de colonisation des peuples ?

Parmi les très minoritaires Français qui, au Maroc, comprirent ce qu’avait d’insupportable à terme la situation coloniale, figure un vrai grand homme, Jacques Berque. Il le dit mieux qu’on ne saurait faire : « À partir de 1945, le nationalisme répondait mieux que le Protectorat à l’histoire se faisant. Il devenait un vecteur de modernité plus véritable...La passation du pouvoir était nécessaire, du colonisateur au patriote en marche...Mais l’indépendance politique chèrement acquise resterait toute formelle s’il n’en surgissait l’édification économique, le progrès social et culturel... ».

Cette édification, hélas, ne surgit pas.

Pendant un temps, Cassandre crut que l’indépendance mettrait fin aux injustices engendrées par le Protectorat. Les déséquilibres renforcés par le régime colonial avaient surtout affecté, pensait-elle, les structures agraires et les populations, en majorité rurales. Les meilleures terres - un million d’hectares environ - étaient aux mains des colons (des amis des parents de Cassandre). Le reste était dans les mains de leurs valets, les grands caïds et pachas, ces « élites indigènes » dont les fils étudiaient le droit à Bordeaux, comme le prince héritier Hassan lui-même. Ils possédaient plus que les colons, peut-être deux millions d’hectares et, individuellement, des propriétés familiales qui pouvaient atteindre de 15 000 à 50 000 hectares. On comprend aujourd’hui l’extase des jeunes touristes de passage au Maroc dans les riad de leurs descendants. Il est vrai qu’il est toujours difficile d’aller dormir chez les fils des presque quatre millions de ruraux qui étaient, au sens strict, des paysans sans terre.

Cassandre interrompit alors ses études pour aller étudier dans le Moyen-Atlas, en 1957, les conditions de la récupération des terres coloniales et les nouveaux conflits surgis des antiques rivalités entre nomades et sédentaires. La conclusion de son travail de géographe ruraliste dans la montagne est parfaitement définie dans ce texte du sociologue Paul Pascon : « Le caïdalisme, né en marge de la pénétration coloniale..., n’a pu se développer qu’en réponse à l’affaiblissement du pouvoir central, consécutif à la colonisation ». Les séquelles d’un ordre où le moindre petit caïd fait entretenir par ses clients son personnage féodal subsistent aujourd’hui. Chacun peut le vérifier s’il veut bien mettre un bout de nez hors des hôtels quatre étoiles.

Quelques chiffres ? Ils donnent un ordre de grandeur sans lequel tout discours n’est que vaine ratiocination. En 1945, seuls 4 % des petits Marocains scolarisables fréquentaient l’école. En 1955, 15 %. En 1959, 38 %, en 1964, 45 %. Le premier collège de filles ne fut créé qu’en 1947. Le Protectorat n’a produit en quarante ans (de 1912 à 1941) que 1 415 bacheliers « indigènes » (comme on disait alors), dont 640 musulmans et 775 juifs. Qui se souvient du drame que fut l’exode des juifs pour le Maroc entier ? Ils étaient 250 000 environ en 1946. L’émigration commença clandestinement par Oran et Marseille en 1947. La création de l’État d’Israël en mai 1948 enclencha l’exode, que renforça la deuxième guerre israélo-arabe de 1956. En 1962, il restait au Maroc moins de 40 000 juifs. Après la guerre des Six jours (juin 1967), il n’en resta qu’une poignée. L’effet de leur départ sur le Maroc fut équivalent, toutes proportions conservées, à l’expulsion des Morisques d’Espagne et à la Révocation de l’Édit de Nantes.

Quelques informations oubliées ? Cassandre, en 1956, avait choisi en toute inconscience d’écrire son « diplôme d’études supérieures » (le master aujourd’hui, la « maîtrise »hier) sur « la géographie socio-économique des souks de l’Anti-Atlas occidental » (dir. J. Dresch) et son diplôme secondaire (car, à l’époque, les géographes devaient à la fois faire de la physique et de l’humaine, les dinosaures confirmeront) sur « l’érosion dans les granites de Tafraout » (dir. P. Birot). Tandis que Cassandre sillonnait de jour les pistes de la région à moto (sans casque) - Tiznit, Akka, Tata, Irherm, Goulimime, la vallée des Ammeln et le djebel Lkst, tant et tant de noms qui chantent -, l’Armée de Libération marocaine prenait patiemment le contrôle des sillons la nuit. Six ans plus tard, en 1962, l’Algérie devint indépendante. Cela changea du tout au tout la vie au Maroc, à commencer par la « guerre des sables » entre les deux pays en 1963, qui conduisit ensuite le Maroc à des conflits avec l’Espagne de Franco, à propos de la « souveraineté » espagnole sur le « Rio de Oro » et l’enclave d’Ifni , se poursuivit avec la Marche Verte de novembre 1975 et le conflit non résolu de nos jours avec les Maures et le Front Polisario.... La récupération des provinces sahariennes devint une priorité nationale marocaine, au nom de l’antiquité des possessions almohades et almoravides, ce qui prouve une fois de plus que l’histoire ancienne s’insère constamment dans la géopolitique aujourd’hui.

Le Maroc compte désormais trente deux millions d’habitants. Sept millions d’entre eux se trouveraient confrontés à la misère, selon les codes de l’ONU, dont cinq millions de ruraux et deux millions d’urbains qui vivent au-dessous du seuil de la pauvreté - pourtant très bas -. Le pays a paru sortir d’un certain Moyen Âge au cours des années 1990, avec la création d’un Conseil consultatif des droits de l’homme, la libération des survivants du bagne de Tazmamart (1991), le retour d’exil du fqih fondamentaliste Basri (1995), sortes d’échos atténués de la chute du mur de Berlin. L’association avec l’Union européenne et la révision de la Constitution (1996), la création d’un gouvernement d’alternance (1998), ont donné l’impression que le royaume évoluait vers un État démocratique. Mais les pauvres « absolus » sont toujours nombreux et l’absence de changement clair fait douter des intentions du nouveau monarque, Mohamed VI, qui a succédé à son père en 1999. Il voulait mener à bien, « la modernité qui ne renie pas les valeurs sacrées », grand écart qu’il n’a pas réussi. Les essais de moralisation de la vie politique, l’amélioration de la condition des femmes, la « désétatisation » relative des entreprises économiques, la création d’une zone de libre-échange avec les Etats-Unis (tiens, tiens...), l’augmentation du taux de scolarisation (68 % en 1997, 92 % en 2004, mais comment est-ce possible quand le taux d’alphabétisation des adultes n’est que de 51 %, loin derrière la moyenne des pays arabes ou même subsahariens 63 % ?), vingt autres mesures progressistes qu’il serait vain de détailler ici font espérer que le Maroc va enfin quitter la position infâmante de 125e sur 176 dans l’indice du développement humain calculé par le PNUD. L’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), lancée en 2005 par le pouvoir, fait apparaître que le Maroc se soucie du regard étranger. Il est vrai qu’il attend beaucoup d’argent de ses investisseurs et aussi des touristes de plus en plus nombreux, marques éminentes du stade actuel de la mondialisation ?

Voilà pourquoi, après cinquante ans d’indépendance, le Maroc se trouve à l’aube d’une ère nouvelle qu’il aurait dû connaître il y a cinquante ans si...

Si les hommes n’étaient pas ce qu’ils sont.

source: http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=864&var_recherche=maroc
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